• Nora ROBERTS - L'île des Trois Sœurs - 1 Nell

    Nora ROBERTS - L'île des Trois Sœurs - 1 Nell

    Auteur : Nora ROBERTS

    Titre : L’île des Trois Sœurs – Nell

    Résumé : En 1692, trois sorcières précipitent dans la mer une parcelle de terre arrachée au continent… Ainsi naquit, selon la légende, l’île des Trois Sœurs.

    C’est ici que se réfugie Nell, quelques siècles plus tard. Dans ce coin perdu du Massachusetts, jamais son horrible mari ne la retrouvera ; elle va enfin pouvoir vivre en paix. Or, Nell ignore que son destin est déjà tout tracé. Pourquoi se sent-elle si proche de Mia, la rousse, et de Ripley, la sœur de Zach, le séduisant shérif qui pourrait la réconcilier avec l’amour ? Serait-ce lié à la malédiction qui pèse en ces lieux et que seule leur union à toutes trois saurait brise ?

    Prologue : Salem, Massachusetts, 22 juin 1692

    Ce fut dans la pénombre verte d’une forêt profonde qu’elles se retrouvèrent, une heure avant le lever de la lune. Bientôt, la nuit la plus courte de l’année allait succéder au jour le plus long.

    En ce jour du sabbat de Litha, il n’y aurait ni fête ni grâces pour célébrer la lumière et la chaleur. Ce solstice d’été tombait dans une ère d’ignorance et de mort.

    La peur étreignait les trois sorcières.

    -          Avons-nous tout ce qu’il nous faut ?

    Celle qui portait le nom d’Air tira sur sa capuche afin qu’on ne puisse distinguer une seule de ses boucles blondes.

    -          Ce que nous avons fera l’affaire.

    Terre posa son balluchon sur le sol. Elle avait refoulé au plus profond de son âme son envie de pleurer et de fulminer contre ce qui avait été commis et ce qui devait être accompli. Elle inclina la tête, laissant retomber librement son épaisse chevelure brune.

    -          N’y a-t-il pas d’autre façon de nous en sortir ? demanda Air en posant la main sur l’épaule de Terre.

    Toutes deux regardèrent la troisième sorcière, celle qui portait le nom de Feu.

    Elle se tenait droite. Une ferme détermination se lisait sur son visage en dépit de son regard triste. Dans un geste de défi, elle repoussa sa capuche, libérant une cascade de boucles rousses.

    -          C’est à cause de nos façons, justement, que nous n’avons pas le choix. Ils vont nous pourchasser comme des voleuses et des criminelles, et nous tuer, comme ils ont déjà tué une pauvre innocente.

    -          Bridget Bishop n’était pas une sorcière, observa Terre avec amertume.

    -          Non. C’est ce qu’elle a clamé devant la cour. Elle l’a juré. Ca ne les a pas empêchés de la pendre. Ils l’ont assassinée à cause des mensonges de quelques gamines et des divagations de fanatiques qui croient sentir du soufre dans chaque coup de vent.

    -          Pourtant il y a eu des pétitions, remarqua Air, les mains jointes comme pour prier, ou supplier. Tout le monde n’approuve pas la décision des juges, ni cette terrible persécution.

    -          Trop peu ont protesté, murmura Terre. Et beaucoup trop tard.

    -          Une seule mort ne suffira pas. Je l’ai vu.

    Fermant les yeux, Feu eut à nouveau la vision des horreurs à venir.

    -          Nos pouvoir ne pourront nous protéger aussi longtemps que durera la traque, reprit-elle. Ils nous trouveront. Ils nous détruiront.

    -          Mais nous n’avons rien fait ! s’écria Air. Aucun mal.

    -          Et quel mal avait fait Bridget Bishop ? riposta Feu. Quel mal a fait à la population de Salem n’importe lequel des autres accusés qui attendent leur jugement ? Sarah Osborne est morte dans une prison de Boston. Pour quel crime ?

    Une colère violente bouillonnait en elle, qu’elle réprima aussitôt. Même à présent, elle refusait que la vindicte et la haine corrompent ses pouvoirs.

    -          Le sang monte à la tête de ces puritains, poursuivit-elle. Ces pionniers, selon le terme dont ils s’affublent. Ce sont des fanatiques par la faute desquels déferlera une vague de mort avant que le bon sens reprenne ses droits ici-bas.

    -          Si seulement nous pouvions venir au secours…

    -          Hélas, nous sommes incapables d’arrêter cela, ma sœur !

    -          Elle a raison, acquiesça Feu. Le mieux que nous puissions faire, c’est de survivre. Il nous faut quitter cet endroit, renoncé à la vie que nous aurions pu y mener et nous en bâtir une autre ailleurs.

    Elle prit doucement le visage d’Air entre ses mains.

    -          Ne pleure pas de ce qui ne peut plus être mais réjouis-toi de ce qui peut être. Nous sommes le Trois, et ne nous laisserons pas vaincre en ce lieu.

    -          Nous serons seules.

    -          Nous serons ensemble.

    Et dans les dernières lueurs du jour, elles se prirent par la main. Un cercle de feu jaillit du sol.

    Résignée, Air se redressa.

    -          Tandis que la nuit chasse le jour, nous offrons cette lumière. Loyales et sincères, nous soutenons la justice. La vérité sort de ce cercle, celui d’une seule.

    Terre enchaîna d’un air de défi :

    -          Cette heure est la dernière que nous passons en ce lieu. Présent, futur, passé, on ne nous trouvera pas. La force est en nous et nous ne regrettons rien. Un cercle de deux.

    -          Nous avons proposé notre art sans nuire à personne, mais la traque meurtrière a déjà commencé, poursuivit Feu en levant leurs mains jointes. Nous partons trouver refuge ailleurs. Loin de la mort, loin de la peur. L pouvoir vit libre. Un cercle de trois.

    Le vent s’éleva en une brusque bourrasque, la terre trembla. Et le feu magique monta dans le ciel tel une lance scintillante. Trois voix reprirent à l’unisson :

    -          Qu’à la haine cette terre soit arrachée. Soustrais-la à la peur, à la mort et au mépris. Découpe le roc, découpé l’arbre, découpe la colline et le ruisseau. Emporte-nous avec eux sur le rayon de lune de ce solstice. Au-delà de la falaise et au-delà du rivage, sépare-nous de cette terre pour toujours. Nous emmenons notre île au milieu de la mer, et qu’il en soit fait selon notre volonté.

    Un énorme rugissement parcourt la forêt et les flammes se déchaînèrent. Tandis que les puritains dormaient du sommeil du vertueux, une parcelle de terre se détacha du continent et tourbillonna follement en direction de l’océan.

    Elle se posa doucement sur la surface lisse de la mer. Ainsi naquit, en cette nuit la plus courte de l’année, l’île des Trois Sœurs. 


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